La thrombose artérielle, bien que rare, peut être grave. La recherche de ses causes est essentielle. Elle demeure parfois inexpliquée malgré des investigations approfondies. La place de la recherche systématique ou ciblée de la mutation JAK2 V617F dans ces situations demeure incertaine. Le rôle pro-thrombotique de cette mutation dans la survenue de thrombose veineuse est bien établi, mais son rôle dans la survenue de thrombose artérielle reste débattu. Les études actuelles estiment une prévalence de cette mutation dans moins de 1 % des cas de thrombose artérielle, mais ces études portaient sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et les infarctus du myocarde (IDM). La prévalence de la mutation JAK2 V617F dans les thromboses artérielles périphériques (hors AVC et IDM) est inconnue. L'objectif de cette étude est d'étudier la prévalence de la mutation JAK2 V617F en cas de thrombose artérielle périphérique inexpliquée. Il s'agit d'une étude rétrospective monocentrique menée entre 2016 et 2022 portant sur 1128 patients ayant eu une recherche de la mutation JAK2 V617F pour thrombose artérielle ou veineuse inexpliquée. Parmi eux, nous avons retenu pour l'analyse les dossiers de 147 patients ayant présenté une thrombose artérielle sans accident vasculaire cérébral ou infarctus du myocarde. L'âge moyen était de 56 (+-99) ans, et 97/147 (66 %) étaient des hommes. Un antécédent de thrombose veineuse et artérielle était retrouvé chez 9,5 % et 13 % respectivement. La thrombose était située aux membres inférieurs chez 107 (73 %) patients, aux membres supérieurs chez 23 (16 %), et sur les artères digestives chez 17 (12 %). La mutation JAK2 V617F était positive chez 12/147 (8 %) patients. Les seules différences hématologiques significatives entre les patients avec et ceux sans la mutation JAK2 V617F étaient un taux de plaquettes augmenté, à J-7 (475 vs 260 G/L ; p 0,022), J0 (452 vs 267 G/L ; p < 0,001) et J7 (416 vs 308 G/L ; p 0,017). Parmi les 12 patients avec la mutation JAK2 V617F, 7 ont eu un diagnostic de syndrome myéloprolifératif (4 thrombocytémies essentielles, 3 syndromes myéloprolifératifs atypiques). Les 5 autres patients n'avaient pas eu de biopsie ostéomédullaire (perdus de vue ou refus de la biopsie). En réalisant plusieurs courbes ROC pour les taux de plaquettes prélevés à trois moments différents (J-7, J0 et J7), le taux de plaquettes à J0 était le plus discriminant entre les patients mutés et non mutés (AUC J-7 = 0,782, AUC J0 = 0,837 ; AUC J7 = 0,771). Trente-cinq (23,8 %) patients avaient un taux de plaquettes à J0 > 365 G/L, et parmi eux 10 étaient mutés et 25 non mutés. Nous proposons, devant une thrombose artérielle périphérique (sans IDM ou AVC) inexpliquée, un seuil de plaquettes un seuil à 365 G/L pour repérer les patients avec la mutation JAK2 V617F, car ce seuil permettait d'identifier 10 des 12 patients avec une sensibilité et une spécificité de 0,83 et 0,80 respectivement. La mutation JAK2 V617F est présente chez 8 % des 147 patients avec une thrombose artérielle périphérique inexpliquée. Un taux de plaquettes élevé (mais pas forcément pathologique) était le seul facteur prédictif de la présence de la mutation. Des études prospectives complémentaires sont nécessaires pour préciser la prévalence et déterminer l'implication thérapeutique de cette mutation dans le cadre d'une thrombose artérielle inexpliquée.