La carence en fer est très fréquente chez les patients souffrant de mucoviscidose, avec une prévalence estimée entre 19 et 83 %, bien supérieure à la population générale [1]. Dans cette population particulière, la carence en fer est d'origine multifactorielle : malabsorption de micronutriments, pertes de fer par les crachats en contexte de colonisation à Pseudomonas aeruginosa et inflammation systémique responsable d'une augmentation de l'hepcidine bloquant l'absorption du fer alimentaire et limitant sa biodisponibilité [2]. La trithérapie corrigeant l'expression du CFTR (elexacaftor, tezacaftor et ivacaftor) a démontré un intérêt majeur dans l'amélioration de la fonction respiratoire, la diminution des exacerbations infectieuses pulmonaires et l'amélioration du statut nutritionnel. Cependant, l'effet de ce traitement sur le métabolisme du fer reste peu étudié [3] Nous avons conduit une étude bicentrique au sein de deux centres de références adultes pour la mucoviscidose. Au cours d'un suivi prospectif standardisé étaient évalué : le statut nutritionnel, les épreuves fonctionnelles respiratoires, les paramètres biologiques évaluant le statut inflammatoire, les stocks en fer et la colonisation à Pseudomonas aeruginosa. Nous avons inclus tous les patients majeurs débutant une trithérapie modulatrice du CFTR entre le 1er janvier 2021 et le 31 janvier 2023. Les critères d'exclusion étaient : une exacerbation respiratoire à l'initiation du traitement ou lors de la visite de suivi à un an, l'introduction d'un traitement par fer au cours du suivi, la survenue d'une greffe d'organe au cours du suivi et l'arrêt précoce des modulateurs du CFTR avant l'évaluation à un an. Le critère de jugement principal était la variation de la prévalence de la carence en fer après un an de trithérapie modulatrice du CFTR. La carence en fer était définie par une ferritine ≤ 20 (femme) ou 30 (homme) μg/L ou ≤ 100 μg/L en cas d'inflammation (CRP ≥ 10 mg/L) ou une saturation de la transferrine ≤ 16 %. Parmi les 278 patients évalués à l'initiation de la trithérapie, 262 étaient éligibles. 220 patients (87 femmes, âge médian 29 ans) ont été inclus dans l'analyse. Les principales raisons de non-inclusion étaient : l'absence de bilan martial à l'initiation de la trithérapie (n = 10) ou à la visite à 1 an (n = 16), l'introduction d'un traitement par fer durant le suivi (n = 9) et un suivi < 1 an (n = 17). À l'inclusion, la prévalence de la carence en fer était élevée (58 %), significativement plus fréquente chez les femmes (78 vs 44 %, p < 0,001). Après un an de traitement par trithérapie, la ferritine augmentait significativement (médiane 53 μg/L [30,3 ; 97,8] versus 46 μg/L [26,5 ; 85,5] à l'inclusion, p = 0,002). La prévalence de la carence en fer diminuait significativement dans la cohorte (31 % versus 58 %, p = 0,001). En analyse par genre, la diminution n'était significative que chez les femmes (44 vs 78 %, p = 0,03). 75/127 sujets carencés à l'initiation de la trithérapie normalisaient leurs stocks en fer après un an de traitement. Les paramètres significativement associés au changement de statut martial étaient l'augmentation du VEMS ((2,7 ± 1 à 3,3 ± 1,2L, p < 0,001), de l'indice de masse corporelle (20,8 ± 4,2 à 21,7 ± 4,6 kg/m2, p < 0,001) et la diminution du syndrome inflammatoire (protéine C réactive : 12,5 ± 23,8 à 2,9 ± 6,7 mg/L, p < 0,001). Seuls 17 patients avec des stocks en fer normaux à l'inclusion deviennent carencés à 1 an de trithérapie : les facteurs associés à l'apparition d'une carence en fer étaient le sexe masculin, un âge plus faible (p = 0,03) et une inflammation moins marquée à l'incusion (p < 0,001). La disparition de la colonisation bronchique à Pseudomonas aeruginosa n'était pas associée significativement aux variations de stocks en fer sous traitement. La trithérapie modulatrice du CFTR est associée à une amélioration du métabolisme martial chez les patients atteints de mucoviscidose. L'amélioration des paramètres nutritionnels et des performances respiratoires ainsi que la correction de l'inflammation sont associées à une normalisation des stocks en fer, illustrant la physiopathologie complexe de la carence martiale dans cette population.